Pourquoi dois-je aller travailler ? Pour quelle raison faut-il se lever le matin ? Quel est le sens de mon action ?
Gagner sa vie ? Payer un crédit ? Préparer sa retraite ? C’est un peu court !
Mais surtout, ce n’est pas véritablement motivant

J’assistais il y a peu de temps au discours de bienvenue qu’adressait le président d’un groupe important de BTP à ses cadres nouvellement embauchés. Derrière son pupitre, le président prit la parole et tous les regards étaient rivés sur lui : leur commandant en chef s’adressait à eux pour la première fois. Allait-il leur communiquer sa motivation, comme on transmet un flambeau ?

Il n’en fut rien…
L’auditoire reçut une succession de chiffres, de performances financières et objectifs exprimés sous forme de ratios et appuyés d’histogrammes et de camemberts en trois dimensions : actif net réévalué, price earning ratio, EBITDA, résultat courant avant impôts, productivité moyenne par collaborateur, chiffre d’affaires par métier, résultat d’exploitation… Le parfait discours de technocrate sponsorisé par Lexomil. J’observais les mines déconfites des nouveaux embauchés, et je pouvais les entendre penser : « Je fais trois ans dans cette entreprise, j’acquiers une expérience et au revoir ! »
Qui peut avoir envie de s’investir dans une entreprise pour contribuer à améliorer un price earning ratio ou la rentabilité des capitaux investis par les actionnaires ?
Bien sûr la finalité de l’entreprise est de gagner de l’argent. Les cadres ne l’ignorent pas. Mais un discours de bienvenue devrait pouvoir laisser passer un minimum d’émotion ou de chaleur humaine.

Lisez, relisez le discours de J-F. Kennedy « A man on the moon ». Cà donne envie de travailler pour la Nasa ou des sous-traitants. A tout le moins, çà rend fier d’être américain.
Lisez, relisez le discours de Martin Luther King « I have a dream ». Cà donne envie de s’engager contre les discriminations.
Lisez, relisez le discours de Steve Jobs aux étudiants de Stanford… Cà donne envie d’adresser son CV à Apple.
(Ces 3 discours sont en annexe de l’ouvrage cité en fin d’article).

(…)
Dans la sphère de l’entreprise, il revient au manager de préciser de quelle façon le projet de l’entreprise permettra à chacun de satisfaire ses besoins et de rappeler quelle est la contribution de chacun à la réussite de l’entreprise. Démagogique ? Certainement pas, à condition d’y croire soi-même.
(…)
Un autre exemple. Le métier de vendeur n’a pas bonne presse. Lorsqu’en début d’année, je demande à mes étudiants d’école de commerce combien souhaitent s’engager dans la fonction commerciale, j’obtiens invariablement moins de 5 % de candidats. Quelle image en ont-ils ? Ils voient le vendeur solitaire, pris en tenaille entre un client jamais content et toujours plus exigeant, et sa direction qui lui impose une pression continue. Rares sont ceux qui le perçoivent comme le fantassin, l’évangélisateur ou l’artisan du succès de l’entreprise, sans lequel aucune victoire n’est possible. Nul ne perçoit réellement le rôle déterminant du vendeur. Et pourtant Abraham Lincoln disait : « Celui qui a une bonne idée et ne sait pas la vendre n’est pas plus avancé que celui qui n’en a pas. » Le meilleur produit ne vaut rien s’il n’est pas porté par un bon marketing et de bons vendeurs. D’ailleurs, s’il suffisait de concevoir les meilleurs produits pour qu’ils soient vendus, l’avion rafale équiperait toutes les armées du monde et la ville de Paris aurait accueilli les JO de 2012. Mais Tony Blair était meilleur vendeur que Jacques Chirac. Lorsqu’on rappelle ces évidences et le sens premier de la fonction commerciale, la motivation se révèle et des vocations naissent. En fin d’année, les étudiants sont quatre fois plus nombreux à vouloir tenter l’aventure.

Avant de clore ce chapitre, j’aimerais vous raconter une magnifique histoire, certes connue, mais ô combien révélatrice de la nécessité de donner du sens lorsqu’on veut motiver.
Un homme marche dans une rue, à proximité d’un chantier. Il passe près d’un homme qui empile des briques.
– « Que faites-vous ? » lui demande le passant.
– « Vous le voyez bien, j’empile des briques », répond l’ouvrier, la mine éteinte.
Quelques mètres plus loin, un autre ouvrier fait exactement la même chose.
– « Que faites-vous ? » s’enquiert le passant.
– « Je monte un mur, répond l’homme », le regard sans expression.
Un peu plus loin, un troisième ouvrir pose brique sur brique. Il semble énergique et travaille en sfflotant.
– « Que faites-vous ? »
– « Je bâtis un temple de la connaissance. Dans moins d’un an, ces murs abritent une école avec 450 enfants. C’est là que le savoir se transmettra ».

Source : « L’Art de Motiver » – Michaël AGUILAR – DUNOD – 2009