Les français sont étonnants. Nous détenons le triste trophée de premier consommateur mondial de psychotropes, Fait unique au monde, la confiance en l’avenir de nos concitoyens a connu une chute de 35 points en 4 ans et sans surprise, 68 % d’entre nous estiment que la qualité de service se dégrade.
Tout va mal ! Les serveurs font la gueule, la SNCF et les banques ferment des guichets, les caissières sont remplacées par des automates, les chatbot remplacent les vrais humains dans les centres de service client et les compagnies aériennes low-cost malmènent leurs clients. L’inventaire des mécontentements et des frustrations sur la qualité de service en France ne tiendrait sans doute pas dans un annuaire écrit avec une police de caractère de taille 8 !
Notre inclinaison pour le passé fausserait-elle notre jugement ? La vérité est que la qualité de service n’a jamais été aussi bonne, quel que soit le secteur d’activité. Mieux que cela, la notion de qualité de service s’est largement démocratisée avec une écoute et une prise en compte des avis, opinions et humeurs des clients sans comparaison avec ce qui se passait autrefois.
L’icône la plus incontestable des progrès français est sans nul doute la Poste. Cette institution fondée par Louis XI en 1477 fascine par le formidable travail accompli pour adapter cette ancienne administration à un environnement impitoyablement concurrentiel. Première entreprise française à avoir subi le tsunami des disruptions digitales dès 1987, avec les e-mails qui ont laminé le marché du courrier, cet ancien emblème d’un fonctionnariat à la Courteline a réussi à opérer une mue culturelle qui impressionne. Les bureaux de poste sont aujourd’hui riches de nouveaux services, les files d’attente se sont taries, le personnel est investi, souriant, en deux mots, accueillant et professionnel. La Poste s’est réinventée en s’appuyant sur ses atouts pour développer des nouveaux services utiles aux français : Chapeau !
Le vendeur de chez Renault qui invitait ses clients en 1967 à placer un sac de ciment dans le coffre de son Aronde pour améliorer la tenue de route, appartient clairement à la préhistoire. Si l’on se retourne seulement 13 ans en arrière, les progrès en matière de relations clients sont à couper le souffle. Rappelez-vous : Apple n’avait pas encore révolutionné le téléphone. Réserver un billet de train, d’avion, commander un taxi ou une nuit d’ hôtel s’apparentait à un parcours du combattant. Entre temps les clients, devenus surinformés, exigent toujours plus de leurs marques. Plus qu’une évolution linéaire et homogène des modes de consommation, nous assistons à une révolution sans précédent qui fragmente le monde du commerce. La révolution est en marche et elle ne s’arrêtera pas. Dans cette révolution, trois tribus de consommateurs se sont structurées au gré de leurs rapports à la modernité et au changement.
1/ les « conso-mateurs »
Ce sont ceux qui entretiennent des rapports « old School » avec leurs marques et distributeurs. Ils « matent » mais n’agissent pas. Ils restent majoritairement insensibles au brouhaha des réseaux sociaux. Ils participent peu à la vie des marques qu’ils achètent. Au mieux, ils se contentent de répondre aux questionnaires de satisfaction. C’est auprès de ce groupe que l’on retrouve le plus grand nombre de nostalgiques d’un passé fantasmé mais pourtant bien révolu. Moins qu’une dégradation de la qualité du service effective, ils déplorent les changements d’interfaces, de canaux et de modes de communication avec des entreprises toujours plus agiles, innovantes et globales. Ils s’indignent ainsi de la disparition des caissières, agents de renseignements, pompistes et poinçonneurs des lilas … ou d’ailleurs.
2/ Les “ conso-suiveurs »
C’est le ventre mou de notre société. Ni promoteur, ni réfractaire au changement, ils s’adaptent, à leur rythme, aux nouveaux codes comportementaux et aux technologies. Ils modifient progressivement leurs usages sans toutefois jamais prendre le leadership auprès de leur communauté. Ils consultent le web, achètent en ligne et utilisent quelques apps. Leur attitude aux marques reste néanmoins passive à l’exception de l’expression d’avis et de like/no like sur les réseaux sociaux.
3/ Les conso « acteurs et citoyens »
Ce sont les plus actifs des trois familles. Pour eux, un rapport hiérarchique entre des marques et des conso « mateurs » leur est insupportable. Ils participent à des forums, expriment leurs avis et sont largement interventionnistes. Ils sont capables de se mobiliser et de lancer de véritables manifestations en ligne pour fustiger un nouveau produit, une publicité ou un changement de logo. Ils regardent peu la télévision suivent des blogueurs, participent activement à des forums et prennent parfois le leadership de combats ou de causes qu’ils estiment justes et fondés.
Les « conso acteurs et citoyens » représentent la vitrine de la nouvelle consommation. Cette population a comme patron Saint Thomas : ils cherchent à comprendre, recherchent des points de vue contradictoires et réfléchissent avant d’acheter. Surtout, ils sont méfiants face aux vendeurs et au discours commercial. Ils recherchent ainsi des tiers de confiance capables de les rassurer. Fin 2018, 30% des français suivent au moins un blogueur. 8 assurances sur 10 et 7 prêts immobiliers 10 ne sont plus souscrits dans le cadre d’un acte de vente bipartite entre un vendeur et un client. Les modèles de distribution indirecte mettant en œuvre des tiers de confiance représentent l’avenir. C’est l’un des paradoxes de la vente dans un monde digital : alors que la logique voudrait que le digital soit un accélérateur d’une désintermédiation généralisée, nous assistons au contraire au développement de nouveaux réseaux de distribution ou d’influence assurant le rôle de tiers de confiance. Cette tendance est particulièrement significative pour les achats à forts enjeux (courtiers en prêts immobiliers ou en restructuration de crédits, départements de gestion privée des banques, consultants externes dans le secteur de l’énergie, mais aussi influenceurs fashion, beauté, déco, voyages, sorties, etc.)
A bien des égards, les distorsions de perception sur la qualité de service sont les reflets des fractures qui traversent la société française. Les progrès des interfaces conversationnelles et du traitement de données (click to call, chat bot et big data, intelligence artificielle) devraient rendre possible une plus grande personnalisation et accessibilité des services. Néanmoins, une analyse poussée des représentations des français en matière d’expériences client, de services et d’Intelligence Artificielle démontre un fantastique besoin d’humanité, d’écoute, d’empathie et de conseils avérés. Les centres de Relations Client et les équipes commerciales devront impérativement répondre à cette demande. Partageant avec efficacité et fluidité les informations contenues dans des CRM enfins pertinents, les fonctions Vente et Relations Client aujourd’hui majoritairement séparés seront progressivement fusionnés. C’est à ce prix que les clients pourront être davantage satisfaits, écoutés et accompagnés dans ce nouveau écosystème qui agrège réseaux digitaux et physiques, technologies et humains, analyses de données et émotions.