… la démotivation est toujours l’expression d’un besoin insatisfait.
Les destructeurs de motivation s’identifient facilement : ce sont les actions, réactions, messages et propos qui tendent à fragiliser ou détruire des besoins intensément ressentis par les collaborateurs.
En voici les principaux :
Atteinte au besoin de sécurité
Les rumeurs de délocalisation, fusion-acquisition, changements de direction, déménagement ou réorganisation, ainsi que les audits des cabinets de stratégie introduisent un fort sentiment de précarité qui pèse lourdement sur les collaborateurs.
L’inconnu est anxiogène et chacun vit avec le spectre de la suppression ou de la redéfinition de son poste. Les esprits sont hantés par de multiples questions généralement sans réponse, jusqu’au dénouement final.
Les équipes de démobilisent dans l’attente du verdict, et quand la délivrance survient, même si l’issue est favorable au collaborateur, celui-ci conserve une marque en lui, et son sentiment d’appartenance est profondément entamé. A cela s’ajoute un lourd sentiment de culpabilité : « Le boulet n’est pas passé loin. Des collègues sont tombés. J’ai eu de la chance. La prochaine fois, cela pourrait bien être mon tour ».
Atteinte au besoin de reconnaissance
C’est le reproche numéro un au palmarès des facteurs de démotivation. Il existe des managers qui ne disent pas bonjour, d’autres qui ne remercient ni ne félicitent jamais, d’autres encore qui ne délivrent aucun feed-back à leurs collaborateurs, si ce n’est pour émettre des critiques. Le besoin de reconnaissance des millions de collaborateurs est ainsi régulièrement ignoré.
Que dire, alors, lorsque le manager humilie, harcèle, maltraite, agresse, rabaisse ses collaborateurs ? L’estime de soi de ces derniers en est sérieusement altérée. La motivation s’effondre et avec elle la productivité, la créativité et l’engagement. Et pourtant, tous les managers qui suivent nos formations sont convaincus de délivrer la reconnaissance nécessaire et que ce grief ne les concerne pas. Lorsque nous leur faisons part, parfois en privé, des commentaires de leurs collaborateurs –sans citer de noms-, c’est souvent un choc pour eux de mesurer l’écart entre l’image qu’ils pensent projeter et celle qu’ils renvoient effectivement à leurs coordonnées.
Atteinte au besoin de confort
La non-satisfaction du besoin de confort est le facteur de démotivation par excellence (cf Herzberg et les facteurs d’hygiène). Lorsque les conditions d’exercice de sa fonction ne permettent pas –selon soi- de travailler dans les meilleures conditions elles sapent peu à peu la motivation. L’atteinte au besoin de confort démotive, soit parce que le collaborateur éprouve le sentiment de sous-exploiter ses capacités à cause d’un environnement qui ne lui permet pas d’exprimer tout son potentiel, soit parce que sa direction ne se préoccupe pas de son bien-être et donc ne le respecte pas.
Parmi les parasites environnementaux, il y a ceux qui relèvent de :
– l’environnement extérieur : bureau ou usine éloignés du domicile, ZI sans âme ;
– l ’environnement intérieur : immeuble froid, vétuste, murs nus ;
– les commodités : pas de restaurant d’entreprise, de transports en commun ;
– conditions d’exercice du travail : poste de travail bruyant, mal éclairé, sans climatisation ou chauffage suffisant ;
– l’outil de travail en lui-même : matériel vétuste, ordinateur obsolète, logiciel trop complexe ;
– l’assistance : absence de formation, de collaborateur en soutien, de service d’aide.
Atteinte au besoin d’appartenance
Très proche du besoin de reconnaissance, l’atteinte au besoin d’appartenance se manifeste lorsque le collaborateur ne se sent plus relié à sa communauté professionnelle, par exemple s’il se trouve écarté d’une décision qui le concerne, non convié à une réunion ou « mis au placard ».
Il suffit de voir la crispation de la société lorsqu’une décision politique semble « tomber » d’en haut sans consultation des personnes concernées ou des syndicats censés représenter la base. Les mêmes causes provoquent toujours les mêmes effets.
Bien souvent, ce n’est pas tant la décision elle-même qui fait grief que les conditions qui ont conduit à son annonce. L’absence de concertation et le fait de ne pas être associé à une décision qui nous concerne sont toujours une source de démotivation, car ils bafouent notre besoin d’appartenance et, par là même, notre besoin de reconnaissance.
Atteinte au besoin de développement de soi et d’épanouissement
Une grande majorité de postes sont exposés à ce risque « mortel » : l’ennui. Y compris des postes prestigieux, comme en témoigne ce pilote de ligne : « Les gens croient que notre métier est passionnant, alors qu’il est rébarbatif, répétitif et terriblement ennuyeux à la longue. Surtout sur long-courrier. Heureusement, je suis un passionné de Bourse. C’est devenu ma première activité, car je passe le plus clair de on temps à me documenter, y compris dans la cabine de pilotage ». (Henri Vandermeulen – Pilote de ligne sur long-courrier).
Les découvertes spectaculaires des neuro-sciences, ces dernières années, ont permis d’identifier des structures cérébrales impliquées dans le besoin de découverte et de nouveauté. Chacun s’en rend d’ailleurs compte lui-même : une activité quelconque, professionnelle ou non, qui nous avait passionné finit par ne plus nous intéresser parce qu’elle est désormais connue ou maîtrisée. L’intérêt décroit, l’habitude s’installe et, progressivement, la lassitude. Un jour on l’abandonne.
Dans les grandes entreprises, les services des ressources humaines les plus efficaces veillent à ne pas laisser les collaborateurs trop longtemps à un même poste. Ces derniers sont donc affectés à d’autres tâches, ou se voient offrir des formations ou confier des missions différentes. Les nouvelles compétences acquises, les nouveaux défis à relever relancent ainsi l’intérêt du travail.
Beaucoup d’entreprises, notamment les plus petites, n’ont hélas pas toujours de nouvelles opportunités à offrir ni même de possibilité d’enrichir les tâches de leurs collaborateurs. Il ne leur reste plus qu’à créer un environnement de travail qui soit le plus agréable possible, sinon le moins contraignant, afin d’éviter que la démotivation ne gagne les collaborateurs et, avec elle, un cortège de litiges : conflits, arrêts de travail, personnel à former en remplacement, etc.
Lorsqu’un travail ne comporte aucune fonction créative, artisanale ou intellectuelle, redisons-le, la motivation n’est pas possible. Nulle chance de voir une ouvrière oublier la fatigue, la faim et la soif, telle Marie Curie, et demander à poursuivre son travail au-delà de ses heures.
Source : Extrait de « L’Art de Motiver » – Michaël AGUILAR – DUNOD – 2009